L’Héroïque Lande, la frontière brûle
de Nicolas Klotz, Elisabeth Perceval

Sortie en salles le mercredi 11 avril 2018.

En 2016 Nicolas Klotz et Elisabeth Perceval filment la Jungle calaisienne qui s’apprête à être démantelée, une épopée en quatre actes qui vient prolonger une œuvre déjà en marche dans leurs films précédents.

Photo extraite du film L'Héroïque lande, la frontière brûle
L’Héroïque Lande, la frontière brûle © Shellac

L’Avis de la bibliothécaire

220 minutes dans la zone Sud, le contraire d’une plongée en apnée, tant la respiration, le cœur qui bat, le signe du vivant ne cessent de s’affirmer au long du film. Les premières images annoncent le voyage. Le paysage défile, signifiant le trajet pour arriver sur ce territoire où régnerait une forme de chaos.
 
 

Un monde en sursis

 
Des habitats précaires, des allées, des commerces : une ville se dresse et la vie s’organise. Une activité intense s’empare de cette terre soumise aux vents. Le souffle, presque continu, vient recouvrir les voix et rappeler, peut-être, l’importance des forces élémentaires.

À l’immersion s’ajoute la durée, une action à double détente : à la fois un espace donné aux gens qui ne cessent de chercher leur place dans un monde excluant, et un temps donné au spectateur pour écouter et regarder sans ce besoin impérieux de précipitation. La durée creuse l’instant et permet donc de rompre le processus de l’actualité et du spectaculaire. La Jungle, tant commentée, est ici incarnée.

Les visages et les corps portent les traces du vécu, des pays traversés, de la terrible Libye. La force transperce les cuirasses, l’énergie suinte de ces corps en mouvement. Et dans l’horreur de ces récits, émergent des sourires, celui d’Almaz, jeune femme magnifique.

Parfois, certains fragments de discussions ne sont pas traduits, tapissant la bande sonore d’une sorte de murmure. À d’autres moments la musique s’invite et quand elle s’arrête, notre envol retombe lourdement, plaquant notre regard à la réalité.
 
 

La fin d’un monde

 
La Jungle est ce lieu de passage qui s’éternise, où la quête de l’Angleterre oriente le quotidien. Et le décompte des jours, des échecs répétés amènent la lassitude. Derrière ce rêve d’un ailleurs mythifié se cache peut-être une quête inatteignable : fuir le présent plutôt qu’un lieu. Et la vie dans la jungle devient une parenthèse collective dans ce périple solitaire0.

À l’heure du démantèlement, il y a d’abord le bruit d’hélicoptère puis le reflet des gyrophares et les policiers pénètrent peu à peu l’image jusqu’à devenir omniprésents. Le feu autour duquel les êtres se réchauffaient et partageaient discussions, jeux, rires, se mue en feu dévastateur. Et pour que le silence des lieux ne devienne pas le silence des hommes ce film invite peut-être à amplifier ce bruit, ce souffle, hors champ, hors lande.  
 
 

Rappel

L’Héroïque Lande, la frontière brûle de Nicolas Klotz et Elisabeth Perceval, production Shellac, Mata Atlantica, Stempel, 2018 , 3 h 40 min

Distribué en salles par Shellac

L’héroïque Lande – Bande annonce 1 from Shellac on Vimeo

Publié le 26/03/2018 - CC BY-SA 4.0

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